Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/355

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je ne sais vraiment, et puis cela me semblait, en vérité, si ridicule, que…

— Là ! interrompit joyeusement le docteur, voilà donc enfin le grand mot lâché : C’est si ridicule ! Voilà le criterium où l’on reconnaît le motif vrai de toutes les actions des femmes : elles ne discutent pas, elles ne font pas telle ou telle chose, parce que c’est si ridicule ! Aussi essaient-elles constamment de s’en débarrasser sur nous, en nous enguirlandant de leurs sophismes ; toutes leurs pensées tendent vers ce but… Mais laissons cela, chère enfant, je n’ai voulu que vous taquiner un peu, et j’y ai réussi ; je vous aime, et mieux que personne je connais tout ce qu’il y a de vraiment noble et bon en vous ; nul plus que moi ne vous rend pleine et entière justice, ne me gardez donc pas rancune de cette petite pique, et tendez-moi votre main mignonne, que j’ai tant de plaisir à serrer dans les miennes.

— Non, mon père, je ne vous donnerai pas ma main, répondit-elle en se levant, je vous embrasserai, car je ne saurai trop vous aimer, mais je trouve le mot : pique un peu faible, et vous ne m’avez pas piquée, mais vigoureusement mordue, méchant père ; enfin, à tout péché miséricorde, voyons, monsieur, embrassez votre fille, et surtout n’y revenez plus !

— Tu le vois, fils, dit le docteur, en riant : elle a toujours raison.

Et il embrassa la jeune femme, qui ne se fit nullement prier pour lui rendre ses caresses.

— Là, dit gaiement Julian, maintenant que la paix est faite, revenons à nos moutons, c’est-à-dire à ma nouvelle maison.

— Oui, dit le docteur sur le même ton ; je t’avoue que je suis très intrigué, moi aussi, et que je ne serais pas fâché de savoir à quoi m’en tenir sur cette mystérieuse affaire.

— Mes affaires n’auront jamais rien de mystérieux ni pour Denizà ni pour vous, mon père, puisque mes affaires seront toujours les vôtres ; il y aurait longtemps