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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/358

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expérience et de toute sa finesse pour donner le change aux espions du Mayor.

— Chère enfant, quand cela vous plaît, vous raisonnez comme un ange que vous êtes : on ne saurait donner un conseil plus sage et plus prudent, surtout dans les circonstances où nous sommes ; il n’est pas probable que nous ayons déjà les espions du Mayor à nos talons, cependant il est bon que nous nous tenions sur nos gardes ; nous attendrons donc et nous remettrons cette promenade à plus tard.

— Ainsi, c’est bien décidé, vous ne m’accompagnez pas ?

— Non, mon ami, dit Denizà ; mieux vaut que tu sois seul ; nous t’embarrasserions, et le hasard, dont nous devous surtout nous méfier, nous procurerait peut-être quelque désagréable aventure.

— Oui, mieux vaut s’abstenir, ajouta le docteur.

— Soit, je sortirai seul. Je vous avoue que je préfère qu’il en soit ainsi ; je serai plus libre de mes allures ; du reste, je vous dirai ce soir ce que j’aurai vu et fait.

Il se leva alors de table, mit un baiser au front de sa femme, serra la main de son père et quitta la salle à manger.

Julian se rendit dans son cabinet où son valet de chambre l’attendait. Il se fit habiller en tenue de ville, prit deux mignons revolvers à six coups, véritables chefs-d’œuvre d’armurerie, les glissa dans les poches américaines de son pantalon, y joignit un poignard court à lame fine comme une aiguille et d’une trempe excellente, qu’il plaça dans une poche de côté de sa redingote, puis il mit ses gants, son chapeau et prit une badine fort inoffensive, en apparence, mais très flexible, et dont la pomme était en plomb recouvert d’or.

Ainsi armé, Julian n’aurait pas craint d’affronter plusieurs bandits.

— Je sors à pied, dit-il à son valet de chambre ; vous donnerez l’ordre que le coupé bleu m’attende à partir de cinq heures sur la place du Théâtre-Français, devant l’entrée des artistes.