— Non ! Son caractère est sombre, silencieux ; il reste des journées entières sans prononcer une parole. Il doit exister entre lui et le Mayor un secret terrible qui les lie l’un à l’autre. Parfois, lorsqu’ils se croient seuls, ils laissent échapper des paroles étranges. Il y a quelques jours, Sébastian, au moment de partir, je ne sais pour quelle expédition, prononça cette phrase : « À tout prix, je veux la revoir ; je suis certain que c’est elle. — Tu es fou ou tu deviens idiot, répondit le Mayor en haussant les épaules ; oublies-tu donc que toi-même l’as enterrée là-bas. » En ce moment Calaveras parut ; Sébastian hocha la tête d’un air de doute et s’éloigna à franc étrier…
— Croyez-vous qu’on puisse réussir à faire parler cet homme ?
— Non, c’est un dogue ; il est évident pour moi qu’il craint le Mayor plus qu’il ne l’aime, cependant il lui est dévoué. Pourtant peut-être réussirait-on en le faisant boire ; il est ivrogne. J’ai souvent entendu le Mayor lui reprocher de ne pas savoir résister au plaisir de boire avec excès.
— Je verrai, murmura Julian entre haut et bas.
Et, changeant de ton subitement :
— Occupons-nous de nos affaires, dit-il.
— À vos ordres.
— Que se passe-t-il chez vous ?
— Les choses sont loin d’aller comme le Mayor le désirerait : les deux échecs qu’il a subis coup sur coup lui ont nui beaucoup dans l’esprit des aventuriers ; il éprouve de très grandes difficultés pour recruter sa troupe et la mettre sur un pied respectable. Il a beau prodiguer l’argent et les promesses, c’est à peine si, jusqu’à présent, il a réussi à enrôler une centaine d’hommes ; de son côté, Calaveras en a recruté une soixantaine. Les deux troupes réunies ne dépassent pas deux cents hommes. Le Mayor ne veut rien entreprendre avant d’en avoir au moins trois cents.
— Où trouvera-t-il le cent qui lui manque, puisque les aventuriers de la savane refusent de se joindre à lui ?