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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/423

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tête, elle fixait pendant quelques secondes son regard brûlant sur le jeune homme.

Mais tout ce provoquant manège n’avait que la durée d’un éclair.

Presque aussitôt, la jeune et séduisante Américaine redevenait calme, froide et indifférente, ainsi qu’elle le paraissait toujours.

Naturellement, ces regards que nous avons si soigneusement analysés passaient inaperçus de la comtesse de Valenfleurs, et surtout de son fils Armand, bien entendu, pour ce qui concernait miss Lucy Gordon.

D’ailleurs la pauvre enfant, pour ainsi dire, ne comptait pas pour la mère et le fils ; ils traitaient à la vérité la jeune fille avec beaucoup d’égards et de politesse ; la comtesse de Valenfleurs était même remplie de charmantes attentions pour elle.

Mais, en somme, pour tout dire, la comtesse et son fils étaient accoutumés à la regarder beaucoup plus comme une chose, un meuble ou un agrément indispensable à la position qu’ils occupaient, que comme un être raisonnable et pensant ; par conséquent on éprouvait pour elle la plus complète indifférence ; et en réalité la jeune demoiselle de compagnie n’avait aucune place sérieusement marquée dans l’intimité de la famille.

Du reste, la comtesse de Valenfleurs, malgré son exquise bonté, disait naïvement et complaisamment, avec cet égoïsme cruel du grand monde, dont elle n’avait pas conscience :

— À quoi bon s’occuper de cette petite ? La pauvre fille n’aurait jamais osé rêver un bonheur aussi grand que celui dont elle jouit près de moi. Je l’ai sauvée de la misère affreuse dans laquelle elle croupissait au milieu de sa famille ; elle a suivi les leçons que d’excellents professeurs ont données à ma fille adoptive ; elle en a bien profité ; elle est aujourd’hui très instruite et, par conséquent, en mesure de se suffire par son travail, si elle me quittait. Elle a chez moi un appartement confortablement meublé ; elle s’asseoit à ma table, elle est toujours habillée