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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/127

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Bernard conduisant Charbonneau et Michel, le valet de pied, un peu à l’écart, dit à ce dernier :

— Faites immédiatement atteler une autre voiture, vous m’accompagnerez : hâtez-vous, il faut que je reparte tout de suite.

Michel salua et se dirigea d’un pas pressé vers les écuries.

— Comment, monsieur Bernard, dit Charbonneau à l’ancien coureur des bois, dès qu’il fut seul avec lui, vous ne montez pas, ne serait-ce qu’un instant, voir M. Julian qui vous attend avec une si vive impatience ?

— Cela m’est impossible, ami Charbonneau ; dans l’intérêt même de madame de Valenfleurs, il est indispensable que je reparte à l’instant. Nous sommes dans des circonstances telles, que cinq minutes de perdues peuvent amener les plus grands malheurs. Il ne s’agit pas de se désoler ; le moment est à l’action. Julian, tout à sa douleur, ne comprendrait pas cela ; je dois et je veux le remplacer. Il m’en remerciera bientôt. Du reste, il n’y a pas de temps de perdu, avant une heure, je l’espère, je serai de retour. De la démarche que je vais tenter dépend peut-être le succès de notre entreprise.

— Je n’insiste plus, monsieur Bernard, répondit le chasseur canadien ; évidemment, vous devez savoir mieux que personne ce qu’il convient de faire.

— En effet, ami Charbonneau, dans un moment où tout le monde semble perdre la tête, je dois, moi, conserver mon sang-froid et renfermer quand même au fond de mon cœur tous les sentiments qui me brisent l’âme, afin d’avoir la force nécessaire pour sauver ceux que j’aime… Pleurer et se désespérer ne remédient à rien ; la décision, la volonté et la rapidité de l’exécution doivent remplacer la douleur. Donc, je veux agir et jeter l’indécision et la crainte au milieu de nos ennemis par une riposte qui leur prouve que nous ne sommes pas vaincus, ni même abattus par le résultat de leur odieux guet-apens.

— Je ne doute pas, monsieur Bernard, que M. Julian vous remercie lorsqu’il saura ce que vous voulez faire ;