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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/191

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en cristal, d’excellent vin de Bordeaux, acheté tout exprès pour lui par la maîtresse du tapis-franc, qui le tenait en très haute considération.

L’homme n’est pas parfait. Entre autres défauts, le Loupeur en avait un énorme : il était singulièrement porté sur sa bouche et adorait le bon vin.

À part ces légères taches, notre impartialité nous oblige à constater que c’était un coquin très réussi, ce dont, au reste, le lecteur à déjà dû s’apercevoir.

Les honorables membres de l’armée roulante dont, après messire Satanas, son ami particulier, il était le chef incontesté et le seul maître, avaient pour lui la plus profonde estime, et lui témoignaient en toutes circonstances le plus entier dévouement.

Depuis le jour ou nous avons assisté à leur première entrevue, laquelle avait failli avoir des suites fort graves et même tragiques, les deux bandits s’étaient sans doute appréciés à leur juste valeur ; ils s’étaient reconnus, à quelques légères différences près, de même force.

Leurs relations s’étaient considérablement améliorées, ce qui ne veut pas dire du tout qu’ils eussent l’un pour l’autre une bien vive amitié.

Ils se redoutaient fort, au contraire, et, en attendant une occasion propice de se jouer quelque mauvais tour, ils se faisaient mutuellement les blanches dents et patte de velours. Mais chacun d’eux était trop fin pour se laisser tromper par l’autre.

La porte du cabinet de société où se tenaient nos deux personnages était entr’ouverte.

De temps en temps, un bandit nommé la Tortue paraissait sur le seuil, criait un nom à voix contenue et rentrait.

L’individu dont le nom avait été prononcé se levait et entrait dans le cabinet de société, y demeurait quatre ou cinq minutes, puis il sortait, regagnait sa place, et c’était le tour d’un autre.

Les bandits, appelés par la voix piparde de la Tortue,