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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/193

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te souviens-tu bien de tout ce que je t’ai dit ; veux-tu que je te le répète ?

— Y a pas d’soin ; j’suis pas un sinve, peut-être ? dit Fil-en-Quatre en haussant dédaigneusement les épaules ; j’prendrai le commandement des éclaireurs de la chaussée du Maine au boulevard Courcelles, et j’empêcherai toutes les communications suspectes avec la rue Bénard, au cas où je n’aurais pas réussi d’abord à donner la rue Michel au bourgeois en question. C’est y ça ?

Ce singulier néologisme : Donner la rue Michel, est depuis quelques années entré dans le langage des bandits parisiens.

Il signifie assassiner, régler le compte d’un individu ; il tire son origine de la rue Michel-le-Comte, située entre la rue du Temple et la rue Beaubourg, un des quartiers que les bandits affectionnaient le plus.

C’est une aimable plaisanterie de ces messieurs.

— Tâche de ne pas le manquer, surtout, reprit le Loupeur.

— Je l’entends bien comme ça ! répondit Fil-en-Quatre en se dandinant.

Et, apercevant un agenda qui était tombé sous la table, aux pieds du digne M. Romieux, il se baissa, le ramassa et le mit adroitement dans sa poche.

Fil-en-Quatre avait ceci de particulier, qu’il ne pouvait rien voir traîner à sa portée sans avoir aussitôt l’envie de le ramasser ; ce que, du reste, il ne manquait jamais de faire.

— Voici trois cents francs, dit le Loupeur, en lui remettant plusieurs billets de banque ; tous les amis sont prévenus ; il faut que cela marche ! À présent, décarrez en douceur, et allez prendre vos postes ; il n’est que temps et bien juste !

Fil-en-Quatre renferma les billets de banque dans un coquet portefeuille, sans doute quelque dépouille opime de l’un de ses derniers exploits, et il quitta le cabinet en se dandinant agréablement.

— Voilà qui est fait, dit le Loupeur en vidant le reste