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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/204

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tume ; il vous en cuira, je vous le jure ; pour qui m’avez-vous donc pris ? Pour un niais, n’est-ce pas ? Pour un vulgaire coquin dont on se débarrasse quand on n’a plus besoin de lui, pour n’avoir pas de comptes à lui rendre ? Quant à vous, marquis de Garmandia, ou Mayor, si ce nom vous plaît davantage, vous avez trouvé votre maître. Acceptez franchement votre défaite, si vous ne voulez pas que je vous enfonce votre propre poignard dans le cœur, et, croyez-moi, pas d’hésitation, pas d’arrière-pensées.

De même que tous les scélérats de son espèce, le Mayor était plutôt féroce et cruel que véritablement brave ; c’est-à-dire qu’il possédait cette bravoure banale, que l’habitude et l’orgueil de l’uniforme donnent aux soldats ambitieux, et qui leur fait braver, le front haut et le sourire sur les lèvres, la mort du champ de bataille, en plein soleil, aux bruits de la fusillade, de la canonnade et des accents stridents des clairons sonnant la charge — mort glorieuse entres toutes ; mais peut-être n’affronteraient-ils pas avec la même insouciante gaieté la mort sombre, cachée, honteuse et lâche du poignard.

Le Mayor en était là : d’une témérité folle au milieu d’un combat — il l’avait cent fois prouvé — il trembla et eut peur devant le couteau posé sur sa poitrine par un bandit résolu qui, il le savait, n’hésiterait pas à mettre sa menace à exécution.

Honteux et furieux à la fois d’être si sottement tombé dans le piège que lui-même avait tendu, blessé dans son immense orgueil, mais complètement à la merci de cet ennemi, qu’il avait supposé si faible et qui s’était révélé si fort, il comprit qu’il lui fallait transiger à tout prix et il s’y résigna en grondent sourdement.

— Qu’exigez-vous de moi ? demanda-t-il au Loupeur d’une voix saccadée par la colère.

— Votre parole d’honneur ; je sais que vous la tiendrez ; je vous connais de longue date. Votre parole d’honneur, dis-je, que vous ne tenterez rien contre moi ni directement ni indirectement, et que vous exécuterez loyalement le