Aller au contenu

Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— M’y voici, chère mère. Sachez donc que, fatigué d’être depuis deux heures à cheval, en arrivant à la place de l’Arc-de-Triomphe, je sautai à terre, et, jetant la bride à Pierre, mon valet de pied, je lui dis de rentrer à l’hôtel, que je continuerai ma promenade à pied, et que je reviendrai seul. Je me mis effectivement en route pour accomplir ce beau projet ; mais, vous savez combien je suis étourdi et distrait : d’ailleurs, aujourd’hui j’ai une excuse : depuis je ne sais quelle heure, toutes mes pensées sont absorbées par un souvenir unique, et qui me rend si heureux qu’il me fait oublier tout le reste, ajouta-t-il en regardant Vanda.

La jeune fille rougit en souriant, et, toute confuse, elle baissa la tête.

— Pas de digressions, dit la comtesse avec un fin sourire, nous n’en finirions jamais.

— C’est juste, reprit-il gaiement ; sans m’en douter, je pris donc une rue pour une autre, de sorte que, au lieu de me trouver devant l’hôtel, ainsi que cela devait être logiquement, après un certain laps de temps, je m’aperçus, à ma grande surprise, en levant les yeux, que j’avais commis une nouvelle bévue : j’étais derrière le parc de l’hôtel, ce qui n’était pas du tout la même chose.

La comtesse et Vanda se mirent à rire.

— C’est bien, moquez-vous de moi tout à votre aise ; bientôt vous verrez, dit-il en riant lui aussi. Je n’étais qu’à quelques pas à peine de la porte condamnée qui se trouve au bout du parc ; en passant devant elle, je crus remarquer que cette porte bougeait, comme si l’on venait de la refermer.

Miss Lucy Gordon laissa échapper un cri étouffé.

Armand la regarda.

— Seriez-vous indisposée, miss Lucy ? lui demanda-t-il avec intérêt.

— Excusez-moi, monsieur le comte, répondit-elle en rougissant jusqu’aux yeux ; je vous écoutais avec une si grande attention, que, ne m’occupant plus de ce que je mangeais, je me suis brûlée comme une sotte : la douleur que