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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/216

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comme morte ? C’est ce que jamais elle ne put dire.

Lorsqu’enfin elle revint à elle et rouvrit les yeux, ses liens étaient tombés ; on l’avait débarrassée du châle qui lui avait enveloppé si longtemps la tête ; elle était à demi couchée sur un fauteuil.

Un homme, agenouillé devant elle, lui prodiguait les soins les plus délicats et les plus empressés.

Son regard, vague encore, se fixait, pour ainsi dire sans les voir, sur les objets qui l’entouraient, et qu’elle ne reconnaissait pas pour les avoir vus auparavant.

Elle se crut d’abord sous le poids d’une hallucination, d’un cauchemar horrible ; mais, peu à peu, son regard s’éclaircit, la mémoire lui revint ; ce qu’elle voyait était bien réel, elle ne dormait pas, malheureusement !

Cet homme, qu’elle avait à peine entrevu en ouvrant les yeux, elle le reconnut alors.

Son cœur se serra douloureusement sous le coup d’un pressentiment inexpliqué encore, mais terrible.

Cet homme, c’était le protecteur de son enfance, celui que jusque-là elle avait considéré comme son bienfaiteur et son ami le plus dévoué.

Le doute n’était plus possible ; c’était bien lui !

Que lui voulait-il ?

Quelle pensée diabolique l’avait poussé à ce rapt, qui la perdait de réputation et la déshonorait sans retour ?

Une lueur se fit dans son esprit, les paroles qu’elle avait entendues lui revinrent à la mémoire.

Nous ne dirons pas qu’elle comprit ce que cet homme prétendait d’elle ; ce n’était pas possible ; la pauvre enfant était trop chaste, trop pure, et surtout trop ignorante peur qu’il en fût ainsi.

Mais elle devina, pour ainsi dire, instinctivement, par intuition, qu’elle était exposée à un danger terrible, que l’action honteuse commise par cet homme cachait quelque projet infâme ; et, brisée de douleur et de pudeur outragée, la jeune fille repoussa avec horreur les soins qu’il lui prodiguait et fondit en larmes, en cachant son visage dans ses mains.