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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/220

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maintenant que sa première émotion était calmée, que son intelligence avait repris sa lucidité, elle envisagea nettement sa position, ne désespéra pas d’elle-même, résolut de se défendre par tous les moyens contre les attaques qu’elle prévoyait instinctivement, plutôt que de se laisser vaincre par cet homme, dont elle entrevoyait vaguement les honteux projets.

— Pourquoi m’avez-vous conduite ici ? lui demanda-t-elle nettement, en engageant courageusement la bataille.

— Parce que je suis ici chez moi, et que personne ne viendra nous y troubler.

— Ah ! fit-elle avec un frisson intérieur, et feignant de ne pas comprendre cette allusion presque brutale ; il n’était pas nécessaire d’employer la violence pour m’y faire venir, puisque j’avais de moi-même consenti à me rendre à l’endroit que vous m’aviez indiqué.

— Oui, rue des Acacias, répondit-il avec ironie, mais pas ici.

— Pourquoi m’avez-vous assigné un autre rendez-vous ?

— Vous seriez venue ici ? fit-il avec surprise.

— Pourquoi non ? dit-elle froidement en le regardant bien en face.

— Eh bien, vous y êtes ; de quoi vous plaignez-vous ? reprit-il d’une voix railleuse.

— Ce n’est pas la même chose ; je n’y suis pas venue de mon plein gré ; vous m’avez enlevée, violentée, pour me contraindre à y venir. Était-ce donc avec moi que vous deviez employer de si honteux procédés, indignes d’un homme du monde ? Ne saviez-vous pas combien je vous suis dévouée ?

— Vous ne me l’avez pas prouvé encore, dit-il en ricanant et la regardant d’un air presque égaré.

— Je ne vous comprends pas, monsieur, reprit-elle avec hauteur. Ai-je manqué à une seule des promesses que vous avez exigées de moi ? Me suis-je donc montrée déloyale ?