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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/230

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avant tout cette horrible maison, et s’en éloigner au plus vite.

Combien de temps dura cette course échevelée à travers les rues désertes d’un quartier qui lui était complètement inconnu ?

Miss Lucy Gordon n’aurait su le dire ; elle courait, surexcitée par l’épouvante et se figurant entendre derrière elle les pas pressés de son persécuteur.

Enfin, elle se trouva à l’improviste sur une espèce de boulevard.

Alors, la jeune fille éprouva de nouveau cette défaillance terrible qui déjà, au moment de fuir, l’avait presque paralysée.

Cette fois la crise fut plus intense, l’anéantissement plus complet.

Elle sentit ses jambes flageoler, ses oreilles avaient des bourdonnements affreux, ses artères battaient à se rompre, ses yeux n’avaient plus de regards : tout semblait tourner autour d’elle.

La malheureuse enfant se traîna comme elle put et au prix d’efforts surhumains jusqu’à un banc, qu’un instant auparavant elle avait aperçu.

Elle l’atteignit enfin et s’affaissa en poussant un soupir douloureux, au pied de ce banc, sur lequel elle n’eut pas la force de s’asseoir.

Elle éclata en sanglots, mais bientôt ses forces l’abandonnèrent entièrement, et elle roula, sans même essayer de se retenir, sur le sol où elle demeura inerte.

Elle avait perdu connaissance…

Plus d’une heure s’écoula ainsi sans que personne passât.

La nuit était très avancée, et dans ce quartier éloigné du centre de la ville, rares étaient les habitants qui se hasardaient à rentrer tard au logis.

Enfin, deux ouvriers passèrent, revenant du spectacle avec leurs femmes.

Ces braves gens, en sortant du théâtre, s’étaient attardés chez un de ces marchands de vin des Halles centra-