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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/25

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magnifique artère, ne marquent-ils pas la marche de l’esprit humain, et la victoire définitive remportée par le progrès des lumières et de la philosophie, sur l’obscurantisme, l’ignorance et le monstrueux bon plaisir des gouvernements personnels ?

Donc, pour les Parisiens, les grands boulevards sont non seulement la promenade préférée, mais surtout l’expression du progrès moderne et de sa marche incessante à travers toutes les ruines amoncelées par la sottise de nos pères ; en un mot, la revanche du bien contre le mal.

Ces boulevards se scindent, pour les véritables Parisiens, en plusieurs zones différentes, dont chacune a sa physionomie particulière, parfaitement tranchée, et qui ne se ressemblent en aucune façon.

Il y a les boulevards de la fashion, les boulevards politiques, commerçants, agioteurs, artistiques, bourgeois et prolétaires ; ceux où les promeneurs ne font que passer, tantôt d’un côté tantôt de l’autre ; ceux où l’on s’arrête, on s’assied et l’on cause ; ceux enfin affectionnés par les viveurs émérites.

Le vrai Parisien ne se trompe jamais à ces différentes dénominations, bien que parfois à certaines heures de la journée et surtout dans la soirée, elles semblent souvent se confondre.

Mais cette confusion n’est qu’apparente ; et la ligne idéale de démarcation reste toujours parfaitement tranchée pour l’habitué des boulevards.

Ils forment une kermesse et une foire perpétuelle, où tout se trouve et se rencontre, moyennant finance, depuis les prix les plus élevés jusqu’aux plus minimes. Les magasins, les cafés, les théâtres, les cabarets de la haute vie en font une fête permanente, splendide, ruisselante de lumière, de bruit, de vie, de luxe et de plaisirs, qui ne ressemble à rien de ce qui se voit autre part ; où les étrangers récemment arrivés à Paris perdent plante, sont assourdis, stupéfiés, ahuris et affolés, ne comprenant