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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/258

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probablement elle a des raisons secrètes, mais excellentes, pour qu’il en soit ainsi.

Toujours est-il que cela est ; ce fait est indéniable.

Donc, le Loupeur n’avait été ni tué, ni blessé.

La balle, bien dirigée plutôt par le hasard que par la jeune fille, l’aurait frappé en plein cœur, si, heureusement ou malheureusement, — ceci dépend entièrement du point de vue où se placera le lecteur — si, disons-nous, cette balle ne s’était pas engagée dans le portefeuille bourré de billets de banque, que, l’on s’en souvient sans doute, le bandit avait reçu quelques heures auparavant du Mayor, dans le tapis-franc de la Marlouze, et qu’il portait dans la poche gauche de sa redingote.

Cependant la commotion qu’il avait reçue avait été si forte, la douleur si vive, que le bandit avait été comme foudroyé, et, après avoir tourné sur lui-même, en battant l’air de ses bras, il était tombé roide, la face en avant sur le tapis.

Il demeura ainsi pendant longtemps plongé dans un évanouissement profond.

Lorsqu’enfin il reprit connaissance et ouvrit les yeux, la lampe était éteinte, le jour se levait, le soleil émergeait au-dessus de l’horizon.

Il était près de cinq heures du matin.

D’abord il ne se souvint de rien.

La mémoire est celle de nos facultés qui nous abandonne la première, mais en revanche, c’est aussi celle qui revient le plus promptement.

Le bandit se demanda, de la meilleure foi du monde ; pourquoi il se trouvait là, étendu sur le tapis comme un pourceau dans sa bauge, le guéridon renversé, le verre et la bouteille brisés et gisant près de lui, au lieu d’être couché dans son lit, comme l’exigeait la logique.

— Allons ! murmura-t-il entre ses dents avec dépit, je me suis encore soûlé comme une brute ! le diable soit de moi ! je n’en fais jamais d’autres ! Quand je me sens quelque argent en poche, c’est plus fort que moi, il faut que je boive ! Pouah, j’ai la langue pâteuse et je crève de soif !