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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/27

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Quelques bourgeois attardés se hâtaient de regagner leur domicile, en jetant au passage un regard de colère et d’envie aux groupes qui, à la sortie du théâtre, affluaient chez Brébant pour terminer la nuit en soupant.

Toutes les fenêtres du restaurant fameux étincelaient de lumières.

Devant la porte stationnait une longue file de voitures prêtes à emporter les blessés et les éclopés de ces agapes orgiaques, ou les amoureux couples en quête de silence et de mystère.

Chez Brébant, tous les cabinets étaient occupés ; toutes les salles remplies.

Depuis le haut jusqu’en bas, ce n’était qu’un brouhaha de rires, de chants, de cris des garçons, mêlés au cliquetis continuel des verres et des assiettes ; dans les escaliers, c’était un flux et un reflux continuel d’arrivants et de partants : les uns montant, les autres descendant ; les groupes encombraient les corridors, les uns essayant de se caser le moins mal possible, les autres se hâtant de sortir ; pour ces derniers, l’heure du berger avait sonné.

La chaude atmosphère des mets, maintenant qu’ils étaient rassasiés de bonne chère, affectait désagréablement leurs narines en se mêlant aux parfums violents s’exhalant à profusion des coquettes toilettes des brillantes hétaïres, dont les traînes interminables balayaient les tapis moelleux des corridors et des escaliers.

Philippe, alors dans l’exercice de ses fonctions, avait cette pose à la fois majestueuse et bienveillante que chacun lui connaît.

Il veillait à tout et réussissait, comment ? lui seul aurait su le dire, à n’indisposer personne et à satisfaire même les plus difficiles ; et Dieu sait à quelles exigences saugrenues il était parfois en butte !

Le cabinet portant le n° 25 est un des plus petits de l’établissement.

C’est un charmant boudoir contenant un piano, un sopha moelleux, quelques chaises, une table ronde, une pe-