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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/311

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ou moins tarés de l’ancien et du nouveau monde. Ils y affluent de toutes parts pour y pécher en eau trouble, ce à quoi, je dois l’avouer, ils réussissent pour la plupart. Je ne citerai comme exemple qu’un certain capitaine de commerce qui est aujourd’hui député officiel et se distingue de ses collègues par son dévouement sans bornes à la dynastie napoléonienne. Cet homme arriva à New-York commandant un magnifique trois-mâts de Bordeaux dont je tairai le nom. À peine mouillé, il descendit à terre, vendit le navire, la cargaison, le tout en bloc et au rabais, empocha l’argent, mit l’équipage à terre et disparut, sans même avoir payé ces pauvres diables de matelots. Dix ans après cet acte de piraterie, il revint à Bordeaux riche de plusieurs millions, prit à petit bruit des arrangements plus ou moins honorables avec ceux qu’il avait trompés. Il acheta de magnifiques propriétés et se fit nommer député. Or, le second capitaine de ce navire était un gaillard intelligent, sans scrupules, et prêt à tout faire pour de l’argent. Le capitaine, contraint de le mettre dans ses intérêts pour la réussite du coup qu’il méditait, lui donna, l’affaire faite, une fort jolie part du gâteau. Cet homme, nommé Philippe de Chermont, était issu d’une vieille et honorable famille poitevine, qu’il avait déshonorée par ses débauches et ses crimes. Marin distingué, il lui aurait été facile de se créer en peu de temps une fort belle position. Ses vices le perdirent. Il s’était embarqué en qualité de second sur le navire que vous savez deux jours seulement après avoir commis un crime horrible, qui, découvert plus tard, lui valut une condamnation à mort par contumace. J’avais connu ce Chermont à Toulon, dans certains endroits mal famés qu’il fréquentait alors, et où il jouissait de la plus exécrable réputation. Grande fut ma surprise lorsque je le retrouvai à New-York, sous le nom de Lucien de Montréal, jouant gros jeu et menant le train d’un homme très riche. Ce Montréal, puisqu’il se faisait nommer ainsi, était un joueur de profession et un grec fort habile, ce qui ne l’empêchait pas de pratiquer, au besoin, le vol à main armée, et d’être affilié à tous les