Aller au contenu

Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gredins de New-York, scélérats émérites qui rendraient des points à tous ceux de Londres et de Paris, qui, cependant, ne passent ni pour être maladroits ni pour avoir des scrupules. Certaines raisons m’obligèrent à quitter définitivement New-York. Depuis lors, pendant tout le reste de mon séjour en Amérique, je n’entendis plus parler de ce Chermont ou Montréal. Il y a six mois à peu près, le hasard, qui n’en fait jamais d’autres, me mit subitement face à face avec cet homme dans le foyer de l’Opéra. La reconnaissance fut mutuelle ; il m’aborda de la façon la plus cordiale, causa avec moi, et, tout en essayant de me faire parler, il éluda avec soin toutes mes questions ; de sorte que, lorsque nous nous séparâmes, nous ne savions rien sur le compte l’un de l’autre.

— Sur ma foi de Dieu ! s’écria Bernard, c’est un vrai roman.

— Trop réel, malheureusement, monsieur ; et, si vous me le permettez, je vous prouverai bientôt qu’il vous intéresse beaucoup plus que vous ne le supposez.

— Je m’en doute, reprit Bernard.

— Continuez, je vous prie, monsieur, dit Julian ; il me semble entrevoir certaines lueurs. La malheureuse miss Lucy Gordon, la demoiselle de compagnie de mademoiselle de Valenfleurs, a laissé plusieurs fois échapper cette nuit, dans son délire, ce nom de Montréal.

— Je sais ce qui s’est passé, monsieur ; c’est par ce misérable que cette jeune fille a été enlevée hier soir ; je l’ai appris ce matin par ce drôle de Fil-en-Quatre.

— Ainsi, nous avions donc raison, reprit vivement Julian, lorsque Bernard et moi nous protestions si énergiquement contre l’accusation de complicité que M. Bonhomme prétendait faire peser sur elle !

— La pauvre enfant est innocente même d’une mauvaise pensée, dit avec force l’Américain, elle a été victime d’un guet-apens infâme.

— Je vous remercie, monsieur, vos paroles me comblent de joie !

— Et moi aussi ! s’écria Bernard : voyez un peu cet