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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/324

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son père, sans rien cacher ni pallier, jusqu’à la scène horrible de la nuit précédente : comment elle avait été enlevée, transportée dans une voiture, et comment après un long évanouissement elle s’était trouvée étendue sur une chaise longue dans une chambre inconnue.

Elle avoua tout avec une franchise pudique, la violence de son ravisseur, sa résistance, ses prières, son désespoir, sa vengeance, sa fuite effarée dans les ténèbres à travers la ville ; comment, épuisée par cette lutte effroyable et succombant à l’épouvante, elle était tombée sans connaissance sur un banc d’un boulevard dont elle ignorait le nom ; puis comment, en ouvrant les yeux, elle s’était vue, avec une surprise extrême, couchée dans sa chambre, entourée de gens qui, la supposant encore évanouie, proféraient contre elle les paroles les plus blessantes et les insinuations les plus perfides sur sa conduite.

Enfin, elle n’oublia rien, et ce fut en fondant en larmes qu’elle avoua à sa bienfaitrice que rien n’avait été plus douloureux pour elle que ces odieux et injustes soupçons que l’on manifestait si hautement.

La comtesse l’embrassa, pleura avec elle, lui prodigua les plus douces caresses, et la consola si bien que la jeune fille se sentit réconfortée et ne put de nouveau retenir ses larmes. Mais larmes de bonheur, celles-là ! Elles la rendaient heureuse.

La comtesse, en agissant comme elle l’avait fait avec la pauvre enfant, lui avait subitement rendu cette confiance en soi-même qui double les forces et la volonté.

Clairette entr’ouvrit légèrement la porte de la chambre à coucher, annonça avec un bon sourire que madame d’Hérigoyen et madame Zumeta désiraient prendre des nouvelles de l’état inquiétant de miss Lucy Gordon.

Ceci était une touchante comédie imaginée par madame de Valenfleurs, pour aider à la cure morale de sa chère malade, cure qu’elle avait si bien commencée et que, sans doute, la visite des deux dames allait compléter.