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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/327

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ignorer, méchant homme ? lui dit-elle en souriant et le menaçant du doigt.

— Oh ! pour bien des raisons, madame la comtesse, répondit-il avec un fin sourire : d’abord parce que vous ne m’avez rien demandé…

— C’est vrai ; c’est une raison, mais ensuite ?

— Ensuite, parce que j’aurais été dans l’impossibilité de vous satisfaire.

— Oh ! oh ! pourquoi donc cela, s’il vous plaît ?

— Tout simplement parce que c’était un secret surpris à l’exaltation de la fièvre et au délire, et qu’un médecin est un confesseur obligé bien autrement qu’un prêtre à garder le silence, parce que la plus légère indiscrétion de sa part. — je ne parle pas du cas actuel dont les révélations n’ont rien que d’honorable, — mais, dans d’autres circonstances, la plus légère indiscrétion de la part du médecin, je le répète, peut causer d’irréparables malheurs : le déshonneur et peut-être la perte du malade.

— Vous avez cent fois raison, docteur, reprit doucement la comtesse ; les secrets de la confession ne sont rien, comparés a ceux que vous révèle trop souvent le délire des malades au chevet desquels vous êtes appelé.

— Ô mon Dieu ! s’écria la jeune Américaine confuse et rougissante, j’ai donc parlé pendant ma fièvre, mon bon docteur ?

— Comme une charmante petite caillette, chère enfant, répondit-il en souriant ; mais ces confidences forcées étaient faites avec un accent qui glaçait le sang dans mes veines ; si graves que fussent les aveux qui vous échappaient, ils ne m’ont rien appris que je n’eusse deviné déjà ; rassurez-vous donc, chère miss Lucy ; vos paroles n’ont produit d’autre effet sur moi que celui de me faire apparaître plus grande et plus lumineuse votre innocence que l’homme de la police avait osé suspecter.

— Ô mon Dieu ! qu’allez-vous donc penser de moi ? mon bon docteur, s’écria-t-elle avec confusion, en cachant son charmant visage dans ses mains.

— Je pense, chère demoiselle, puisque vous désirez le