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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/347

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épousez un charmant gentilhomme qui meurt après deux ou trois ans de mariage, en vous laissant un fils au berceau et vous léguant toute sa fortune, qui était très considérable ; de sorte que vous êtes maintenant huit ou dix fois millionnaire, et libre de nouveau ; moi, au contraire, ruiné par votre mort, car vous aviez honnêtement emporté le magot…

— Monsieur ! ces paroles…

— Sont justes, madame. Vous avez tout emporté. Donc, ruiné, poursuivi pour vous avoir assassiné, je brise ma carrière militaire, si avancée déjà ; je suis contraint de me brûler la cervelle et de disparaître ; je vous rencontre au Mexique, par hasard, et sans vous reconnaître ; deux fois vous me causez des dommages énormes et mettez ma vie en danger : la première fois lors de l’attaque de votre camp, où tous mes compagnons furent massacrés ; la seconde, à la Florida, où le même fait se renouvela ; je ne survécus que par miracle. Je devins amoureux d’une femme…

— Vous ! fit-elle avec un sourire d’écrasant mépris.

— Oh ! ne souriez pas, madame ! Cette femme je l’ai aimée avec passion, avec délire ; elle me donna une fille, Vanda, une admirable enfant, ma consolation dans mes heures sombres, mon bonheur de tous les instants. Cette enfant, vous me la ravissez ! Vous l’élevez près de vous, et vous me volez sa tendresse, à moi, son père, en vous faisant aimer d’elle !… Ma femme, ma chère Luz, je l’ai tuée il y a deux mois, à la sortie de votre hôtel ; moi je tenais le poignard, mais c’est vous qui l’avez enfoncé dans son cœur, car elle vous aimait, elle aussi ! Elle m’a soustrait, pour vous en faire une arme contre moi, un portefeuille contenant des papiers dont le moindre suffit pour faire tomber ma tête ; je suis seul, abandonné, proscrit, haï, persécuté, sans un ami, et n’ayant que des ennemis. Vous, au contraire, madame, vous êtes heureuse, aimée, respectée, choyée, riche, admirée, entourée d’amis dévoués prêts à se sacrifier pour vous ; comparez votre sort à celui que vous m’avez fait, et jugez entre nous !