Aller au contenu

Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre chose qu’une vengeance. Voulez-vous un million, deux millions même pour me la rendre ? Parlez, monsieur : avant une heure vous les recevrez. Que m’importe l’argent, à moi ? Je veux que ma fille soit heureuse !

Malgré lui, le bandit, en écoutant ces nobles et généreuse paroles, s’était senti ému, pour la première fois peut-être, par un sentiment étrange.

Quelque chose d’inconnu avait vibré dans sa poitrine, l’avait fait tressaillir et lui avait fait monter la rougeur au front.

Alors, sombre, haletant, il avait écouté madame de Valenfleurs comme dompté par une force mystérieuse plus puissante que sa volonté, et sans même essayer de l’interrompre.

Il y eut un court silence.

La comtesse examinait curieusement à la dérobée, sur les traits énergiques de cet homme, les sentiments qui tour à tour venaient s’y refléter.

Enfin, le marquis, d’un geste brusque, passa fiévreusement la main sur son front, et il reprit, mais cette fois d’une voix triste et presque douce :

— Et si je consentais, madame, à m’imposer ce sacrifice, dit-il, et à vous rendre ma fille, consentiriez-vous à votre tour à me la laisser voir quelquefois ?

— Sait-elle qu’elle est votre fille ? demanda nettement la comtesse.

— Depuis son enlèvement elle pleure et appelle sa compagne, dont j’avais jugé à propos de la séparer.

— Pour la livrer à un de vos complices qui a tenté de l’obtenir par un crime et n’a même pas reculé devant l’emploi de la force brutale pour essayer de vaincre sa résistance. Oui, je sais cette histoire, dit la comtesse avec dégoût.

— Que m’importe cela ? s’écria-t-il en reprenant subitement sa nature féroce. Il aimait cette femme, je la lui ai abandonnée. Mais elle lui a échappé et s’est enfuie ; elle a glissé comme une couleuvre entre ses mains, et sans