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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/363

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Tout le monde le suivit.

En arrivant au premier étage, un spectacle affreux s’offrit aux regards des arrivants et les glaça d’horreur.

Le bon M. Romieux, affreusement déchiré et perdant son sang par cent morsures horribles, était étendu râlant sur le palier, se tordant comme un serpent dans les affres d’une agonie effroyable.

Sur le seuil même de la porte toute grande ouverte de l’appartement de miss Lucy Gordon, un bandit, renversé sur le dos et maintenu par les pattes puissantes de Dardar, le redoutable molosse, se débattait avec fureur, sans réussir à s’échapper des griffes du chien qui, tout en aboyant, le mordait à pleine gueule.

Un peu en arrière, miss Lucy Gordon, les vêtements ensanglantés, le visage livide et les yeux fermés, à demi étendue sur une chaise longue, recevait les soins de Clairette, qui n’interrompait sa charitable besogne que pour crier à pleins poumons à l’aide.

— Tiens bon, Dardar, mon brave chien ! cria Bernard, tiens bon ! mais ne mords pas trop !

Le chien releva vivement la tête, fixa son regard presque humain sur le coureur des bois, remua vivement la queue et poussa un joyeux aboiement.

— Eh ! eh ! fit Bernard en examinant le moribond et le poussant du pied, qu’avons-nous donc ici ? Eh ! sur ma foi de Dieu ! je ne me trompe pus ! Comment, c’est vous, cher monsieur Felitz Oyandi ? Vous ne vous corrigerez donc jamais ? Pour cette fois je crois que votre affaire est faite, hein ? C’est égal, il faut avouer, cher monsieur, que vous n’avez pas de chance avec les chiens, qu’ils soient de Terre-Neuve ou du mont Saint-Bernard ! C’est piquant !

— Tuez-moi ! implora le misérable, tuez-moi, par pitié ! je souffre comme un damné !

— Déjà ? fit-il avec ironie ; vous tuer, moi ? Ma foi, non ; ce serait vous rendre service, et nous ne nous aimons pas assez pour cela, dit l’implacable coureur des bois.

Il haussa les épaules et se détourna avec dégoût.