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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/59

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— Oh ! plus que je ne le saurais dire ; ainsi nous partons ?

— Par le premier train de six heures vingt-cinq, nous n’avons plus rien à nous ici, ni à Paris ; j’ai tout vendu ; j’ai perdu une quinzaine de mille francs.

— Qu’importe cela ! reprit-elle vivement, si nous assurons ainsi notre tranquillité.

— Tu as raison ; maintenant oublie tes frayeurs, oublie tout et ne songe plus qu’a l’avenir heureux qui nous attend.

— Oh ! tu me rends la vie !

— En effet, cette existence n’était plus tenable ; toujours trembler devant des fantômes.

— Si tu savais ce que j’ai souffert !

— Je le sais, puisque je suis résolu à quitter la France, que j’avais été si heureux de revoir.

— Mon ami, la patrie est partout, quand on a près de soi tout ce qui peut donner le bonheur ! dit-elle, avec un séduisant sourire.

— Cela doit être vrai, puisque tu le dis si bien ; mais, voici trois heures qui sonnent, dans trois heures nous partirons ; peut-être devrais-tu prendre un peu de repos ?

— Non, je ne veux pas te quitter, je n’ai nullement envie de dormir ; cette maison m’épouvante ; si je restais seule un instant je mourrais de peur ; je croirais voir rôder autour de moi je ne sais quels hideux fantômes…

— Causons, je ne demande pas mieux, le temps passera plus vite et plus agréablement, dit-il en riant.

— Oui, restons assis l’un près de l’autre, trois heures sont bientôt passées, nous sommes si bien ainsi !

— Peureuse !

— J’avoue !… C’est à un tel point que je me figure entendre marcher dans les corridors ; c’est une folie, je le sais, et pourtant, en ce moment même, il me semble… Ah ! s’écria-t-elle en se dressant échevelée, en proie à la plus grande terreur… là !… là… prends garde !… les voilà… oh ! mes pressentiments !