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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/58

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quand cet homme est venu chez moi me consulter, pourquoi as-tu refusé de partir ? Nous serions heureux et tranquilles ; nous sommes riches ; quand on a de l’or, on est heureux partout.

— Peut-être ai-je eu tort, en effet ; la rencontre que j’ai faite du Mayor, de ce mauvais génie qui m’a perdu, m’a effrayé, j’en conviens, mais en y réfléchissant…

— Cet homme est un démon ! s’écria-t-elle avec une énergie fébrile ; moi aussi, je le hais, tu sais pourquoi ?

— Ne me parle pas de cela, Michela ; tu ferais de moi un tigre ! s’écria-t-il en lui lançant un regard terrible.

— Cet homme nous tuera, je te le répète, je le sens rôder autour de nous…

— Folie que tout cela ; il ne pense pas à nous, il a d’autres choses plus importantes à faire. Je me doute de la raison qui l’a amené à Paris ; mais puisque tu te laisses ainsi dominer par une peur ridicule et que rien ne justifie, eh bien ! soit, réjouis-toi, nous partirons.

— Bien vrai ! s’écria-t-elle avec un élan de joie indicible ; quand ? bientôt, n’est-ce pas ?

— Demain, ou plutôt aujourd’hui, dans quelques heures.

— Comment ! Je ne te comprends pas, ma tête s’égare ; explique-toi, au nom du ciel !

— Je ne demande pas mieux, écoute-moi donc.

— Oui, parle, parle !

— Je voulais te surprendre ; mais puisque tu l’exiges, tu vas tout savoir ; cette maison est vendue avec tout ce qu’elle contient, à un grand fermier du Bourget dont les terres entourent notre propriété ; il veut, paraît-il, en faire une ferme, j’ai été payé aujourd’hui, c’est-à-dire hier matin ; tous mes fonds, ou du moins ceux que j’avais ici, je les ai enlevés et portés chez mon banquier, auquel j’ai demandé une lettre de crédit considérable. Cette lettre, je l’ai dans ma poche.

— Pour quel pays ? dis, dis vite ! s’écria-t-elle haletante.

— Pour l’Espagne d’abord ; si le pays nous convient, nous nous y fixerons ; es-tu contente ?