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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/63

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garrotté, les yeux obstinément fixés sur son ancien maître dont il suivait tous les mouvements, avec une impassibilité farouche, et, enfin, Felitz Oyandi.

Celui-ci, réfugié dans un angle éloigné de la pièce, regardait autour de lui d’un air ahuri.

Cependant l’effet de la commotion produite sur son cerveau par l’éraflure de la balle qui avait failli lui percer le crâne, avait presque entièrement disparu.

Depuis longtemps déjà il fut rentré dans la plénitude de toutes ses facultés mentales, si une peur honteuse n’avait paralysé tous les ressorts de son intelligence.

Ses dents claquaient avec un bruit de castagnettes ; tout son corps était secoué par des tiraillements nerveux.

Tel était ce misérable lâche, féroce, hideux à force de gangrène morale, chez lequel tous les sentiments humains étaient atrophiés, et dont l’âme de boue était encore plus effroyablement laide que son enveloppe physique, si déjetée et si tordue qu’elle fût. Il suait de peur ; et pourtant l’horrible spectacle qu’il avait sous les yeux le réjouissait intérieurement.

Ses narines ouvertes aspiraient avec délices l’odeur âcre et écœurante du sang de tous ces cadavres dont il était entouré ; son regard de gnome se fixait, avec une convoitise lubrique sur la femme évanouie, et pétillait d’ignobles désirs à la vue de toutes les beautés à peine voilées de la malheureuse créature ; une rictus lascif contractait ses lèvres hideusement fermées.

Ce monstre avait en lui du satyre et de la brute à l’instinct bestial, un mélange sans nom du chacal et du pourceau.

Le Mayor haussa les épaules et le couvrit d’un regard de mépris en passant près de lui sans même lui dire un mot.

Puis, avec un sang-froid terrible, le fauve des Savanes, ainsi que le nommaient les Peaux-Rouges des prairies américaines, passa l’inspection des cadavres, se penchant sur chacun d’eux, s’assurant que la vie les avait complétement abandonnés, les fouillant les uns après les autres,