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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/62

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— Bah ! ce ne sera rien, reprit le Mayor ; je vais te bander le bras, et il n’y paraîtra plus ; en attendant, respire ce flacon, il t’empêchera de t’évanouir.

Et, retirant de la poche de son gilet un microscopique flacon solidement bouché à l’émeri, il le présenta au blessé.

— Merci, répondit celui-ci en le prenant de la main gauche ; en voilà un étal de boucher !… Quelle drôle de chose pourtant ! Dire qu’ils grouillaient si joyeusement tout à l’heure !

— Au lieu de tant bavarder, tu ferais mieux mon garçon, de sentir au plus vite le flacon que je t’ai prêté.

— Je ne demande pas mieux, mais je ne puis l’ouvrir.

— Parce que tu t’y prends mal ; ce sont des sels anglais très forts, le bouchon est vissé, tu n’as qu’à le devisser.

— Ah ! dame, je ne savais pas !

Le Mayor fixait sur lui son regard ardent avec une expression singulière.

Caboulot se sentant défaillir, se hâta de suivre le conseil du Mayor ; le flacon débouché, il le porta vivement à ses narines.

Mais aussitôt, il fit un bond terrible et tomba à la renverse sur le parquet, sans même pousser un cri.

Il était mort foudroyé !

Les sels anglais du Mayor étaient tout simplement de l’acide prussique.

— Bonsoir et bon débarras ! dit le Mayor avec un ricanement diabolique. Ce drôle était trop intelligent, il m’aurait gêné ! Hum ! le terrain me semble assez bien déblayé, ajouta-t-il, en jetant un rapide regard autour de lui, tout en broyant en miettes imperceptibles le flacon sous le talon de sa botte.

Lui compris, quatre personnes vivaient encore ; cinq étaient mortes.

Les survivants étaient d’abord Michela, toujours évanouie à l’endroit où elle était tombée ; Sebastian, muet et sombre, mais résolu et intrépide, assis sur une chaise et