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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/65

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— Je ne vous ai pas trahi ; je me suis vengé.

— Belle vengeance, sur ma foi ! que d’aller raconter ton histoire et la mienne à des gens qui ne s’en souciaient guère !… Quel mal m’a causé cette confession ridicule faite en plein désert ? La seule vengeance possible et efficace, car je ne nie pas le droit que tu avais à me demander un compte sévère de ma conduite envers toi, — tu vois que je suis franc comme toujours, — cette seule vengeance, qui avait quelques chances de réussite, tu l’avais entre les mains, pourquoi ne l’as-tu pas mise à exécution ?

— Laquelle ?

— Me tuer par surprise, pardieu !

— J’y ai songé souvent.

— Qu’est-ce qui t’a arrêté ?

— Vous seriez mort vite, et je voulais avant tout vous faire souffrir.

— Allons, je vois que toi aussi tu es franc ; cela me fait plaisir.

— Pourquoi ne le serais-je pas ? qu’ai-je à risquer ?

— Rien ; c’est vrai.

— Eh bien ! finissons-en ; tuez-moi.

— Non pas, cher ami, ce serait trop tôt fini ; je te réserve une mort indienne.

— Ah ! fit Sebastian sans qu’un seul muscle de son visage tressaillit, à votre aise ; mais, prenez garde !

— À quoi ? Je suis le maître ici.

— Eh bien ! faites ce qui vous plaira, répliqua-t-il en haussant les épaules.

Le Mayor sourit.

— Tourne un peu ton regard sur notre ami Calaveras ; vois comme il admire ta femme. Ah ! tu tressailles enfin !… J’ai touché juste à ce qu’il paraît. C’est par elle que commencera ma vengeance, et quand je te verrai presque fou de douleur et de honte, peut-être aurais-je pitié de toi et consentirai-je à te brûler enfin la cervelle.

— Vous êtes un infâme ! s’écria Sebastian avec rage. Ah ! vous ferez bien de me tuer, car si je vous échappe…