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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/76

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— Dame ! chacun a ses affaires, tu comprends.

— Bon, tu as un secret.

— Moi ? allons donc ; jamais de la vie !

— Alors pourquoi refuses-tu de me répondre ?

— Je ne refuse pas, à preuve que j’ vais te dire l’affaire. Je n’ai pas de raisons pour me cacher de toi.

— Alors, parle.

— Ce ne sera pas long.

— Va !

— Faut donc que tu saches qu’il y a une quinzaine de jours à peu près, je flânais tranquillement du côté du pont de Grenelle. J’adore cet endroit à cause de la verdure de…

— Assez d’emblèmes ; va tout droit, nous n’avons pas le temps de faire de la poésie ; dis tout de suite que tu flânais tout bêtement, à la flanc, à la recherche d’une occasion.

— Il y a un peu de çà ; la soute au pain était vide, et je n’avais pas seulement un radis pour la remplir. Il était dans les environs de deux heures du matin ; je commençais à désespérer de voir arriver un pante quelconque, et j’allais reprendre mélancoliquement, et le ventre creux, le chemin de mon garni, dont j’étais éloigné de plus d’une lieue, ce qui n’était pas drôle dans la situation où je me trouvais, je t’en fiche mon billet !

— Je comprends ça.

— Je regardais une dernière fois autour de moi avant de décarrer définitivement, lorsque je vis une ombre qui sortait de la rue des Entrepreneurs et se dirigeait vers le pont où j’étais embusqué. L’ombre avançait toujours, j’ai des yeux de chat, je vois aussi bien la nuit que le jour : je reconnus bientôt que j’allais avoir affaire à un bourgeois d’un certain âge, pas très grand, mais les épaules très larges, et semblant très râblé. Ce particulier était bien vêtu : il avait une lévite toute neuve, un chapeau Gibus, et une canne à la main ; je voyais briller sur son ventre la chaîne d’or de sa montre ; enfin un bourgeois cossu.

— Bon, le reste n’est pas difficile à deviner ; tu tombas