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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/237

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— C’est fait ! répondit le lieutenant, qui écrivait les noms au fur et à mesure qu’on les lui dictait.

— Voulez-vous aussi les noms de nos serviteurs ?

— Inutile, monsieur. Vous en répondez. Ils sont inscrits sur vos passeports.

— Maintenant, il ne nous reste plus qu’à régler nos comptes.

— Vous ferez cela demain, en embarquant, monsieur.

— Pardonnez-moi, lieutenant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je préfère terminer sur-le-champ.

— Comme il vous conviendra.

L’étranger tira de sa poche une longue bourse pleine d’or.

Il compta et mit sur la table quatre piles de dix onces chacune, deux piles de onze, et compléta la somme à l’aide d’une demi-once.

— Voici, monsieur, dit-il au lieutenant, soixante-deux onces et demie, qui, à seize piastres l’once, font mille piastres.

Le lieutenant prit la somme, la serra dans le tiroir d’un meuble dont il retira la clef ; puis il en donna reçu.

— Est-ce tout ce que vous désirez ? demanda-t-il à l’étranger, qui le remerciait.

— Une chose encore, si ce n’est pas abuser de votre complaisance.

— Laquelle, monsieur ?

— Je voudrais tout simplement savoir où vous nous mettrez, mes amis et moi.

— Votre désir ne sera pas difficile à satisfaire. Vous êtes précisément dans le logement que vous occuperez.

— Ici ?

— Ici même. Ce carrosse se compose de trois pièces, comme vous pouvez le voir.

Ce disant, le lieutenant se leva, ouvrit les portes de communication et montra la distribution intérieure du carrosse à son futur passager, qui ne se faisait pas faute de tout examiner en détail.

Cette distribution ne laissait rien à désirer.

Depuis que les derniers habitants du carrosse l’avaient abandonné, rien ou presque rien n’y avait été changé.

— Vous serez là, monsieur, aussi bien qu’on peut être à bord d’un navire marchand.

— En effet, répondit l’étranger.

— Les derniers hôtes de ce logement étaient le comte de Casa-Real…

— Celui qui vient de mourir si subitement ? demanda froidement l’interlocuteur du lieutenant.

— Lui-même, et sa femme, Mme la comtesse de Casa-Real. Ils ont occupé le carrosse pendant toute leur traversée de Cadix à Matanzas, et ils n’ont, je vous le certifie, jamais eu à se plaindre de l’avoir occupé.

— Je le crois.

— Ce logement vous semble-t-il convenable ?

— Très convenable.