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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/488

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— Ah ! c’est votre ami !

— Intime, docteur ! je l’aime comme s’il était mon frère.

— Mes compliments à tous les deux, répliqua le docteur Martel avec un sourire poli.

M. Jules se serait fâché s’il n’avait pas voulu voir le dernier acte de la petite comédie qu’il se donnait à lui-même.

Il était bien sûr de son affaire.

Tout le présageait : le docteur allait se voir forcé de se démentir ou se couvrir de confusion ou de honte.

M. de Mauclerc, que l’ex-agent de police venait de laisser rue des Batailles, à Chaillot, ne pouvait, à moins d’avoir un double, un sosie, un ménechme, se trouver en même temps allée des Veuves, chez le docteur Martel.

Mais, pendant la scène précédente, la contenance du médecin avait toujours été si simple, si naturelle, que, malgré toute sa finesse, malgré toutes les présomptions qui parlaient contre son adversaire, M. Jules se trouva dérouté.

— Bigre ! murmurait-il, quel gaillard ! quel toupet !… Oui, mais, comment va-t-il se tirer de là ? Je ne me contenterai pas de voir… Je ferai comme Thomas, moi, je toucherai.

La voix du docteur le tira de ses hésitations.

— Venez-vous, monsieur ?

— Je suis à vos ordres.

M. Martel sonna.

— Un domestique parut, portant un candélabre.

Son maître lui dit :

— Joseph, éclairez-nous. Nous allons chambre numéro 9, chez le blessé de cette nuit.

Le domestique les précéda.

M. Jules se laissa faire.

Il n’y comprenait plus rien du tout.

La maison de santé du docteur Martel était un vaste établissement, entouré de jardins anglais, où les convalescents respiraient à leur aise un air libre et pur.

En ce moment, presque toutes les chambres se trouvaient occupées.

Le trajet du salon à la chambre numéro 9 fut long.

Il dura près de dix minutes.

Il fallut traverser de longs corridors, monter plusieurs escaliers de dégagement, en descendre d’autres.

Enfin, le domestique qui les éclairait s’arrêta devant une double porte soigneusement capitonnée.

— Entrez, dit le docteur à M. Jules.

L’ex-agent obéit.

Il commençait à douter de lui-même.

Intérieurement, il se demandait : Ah çà ! ai-je vu ou n’ai-je pas vu le comte de Mauclerc, blessé, dans la mansarde de Filoche et de Fifine ?

Cette comédie était jouée avec une si rare perfection ! À quoi bon aller