Aller au contenu

Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/697

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Bien trouvé ! fit Martial Renaud avec une exclamation joyeuse.

— Le chien flaire, reflaire, nous regarde, se met à japper et aboyer.

— Et puis ?

— Et puis, nous le lâchons… La brave bête avait, pardi, bien l’air de comprendre ce qu’on lui voulait. Elle n’hésita pas une minute… V’là qu’elle se met en quête… nous la suivons pas à pas tous les quatre…

— Braves amis !

— Laissez-moi finir… Tout ça n’est rien… Hurrah ne resta pas longtemps sans tomber en arrêt.

— Il avait retrouvé la trace ? dit le colonel.

— La trace du capitaine… oui… V’là que nous disons : C’est bon, la bête y est… Et, sacredieu ! elle y était… Elle commence une course, une chasse insensée… le museau en terre, trottant la queue basse. Hurrah redescend dans Paris… Nous redescendons avec lui… Il traverse les boulevards et il enfile les Champs-Élysées… Nous traversons et nous enfilons à sa suite !

— Bien !

— À la hauteur de l’allée des Veuves, cependant, il hésite, le bon chien… Notre cœur se serre à tous les quatre. — Est-ce qu’il renauderait ? que nous nous demandons… Je t’en soigne !… Après avoir trotté de çà et de là, d’un air inquiet, v’là que la bête reprend sa course. Nous attrapons le pont de Neuilly, nous le passons. Elle entre dans Courbevoie… Aïe donc ! nous la suivons sans broncher.

— Enfin ?

— À la fin… eh bien !… à la fin des fins, la bonne bête s’arrête devant une maison asseulée, en dehors du village.

— Tu connaissais l’endroit, tu vois ? fit le colonel se souvenant que le colosse n’avait pas pu satisfaire tout d’abord à sa demande.

— Au fait, oui… v’là les noms qui me reviennent à présent, mon colonel… C’est votre vin, voyez-vous ! Il était donc six heures du matin… sans reproche, nous courrions comme ça depuis quatre bonnes heures… C’était gentil, déjà ! On rattache le chien, et nous nous installons dans une auberge, où les autres cassent une croûte et piquent un somme.

— Et toi ?

— Moi, je veillais et je pensais à mon capitaine… Je n’avais ni faim, ni soif, ni sommeil… Ah ! cré mâtin, je ne les ai pas laissés se dorloter par trop longtemps, allez.

« Au réveil, le père Pinson nous lâche pour retourner à sa fabrique. Nous gardons le chien. Il tenait la piste, vous comprenez, nous ne l’aurions pas rendu pour son pesant d’or. Le vieux sergent parti, nous reprenons la chasse.

« Parole ! ça commençait à m’amuser, en dehors même de l’intérêt que je porte à mon capitaine.

« Il paraît que ses ravisseurs craignaient joliment d’être poursuivis. Les gueux avaient employé tous les moyens pour nous donner le change et nous faire perdre leurs traces. Ils s’étaient donné la peine de croiser leur route, revenant sur leurs foulées, coupant à travers terre et faisant des pointes à droite et à gauche.