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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/696

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— Comment ?

— Je l’empoigne par l’oreille, et je lui glisse le tout dans le tuyau : « C’est tout ? qu’il me dit avec son air d’ambassadeur mis à pied. — Oui, mon neveu… » Faut vous dire qu’il m’appelle son oncle ; alors, souvent, moi, je l’honore de ce nom-là… pour ne pas l’humilier. « Ce n’est que ça qui vous embête ?… qu’il fait. — Il n’y a peut-être pas de quoi », que je lui réponds. — V’là mon satané mioche qui me rit au nez et me promet de me tirer de là, comme si nous n’avions qu’à prendre l’omnibus de la Bastille à la Madeleine… sans correspondance.

Les Invisibles et leur chef provisoire restaient abasourdis par ce flot de paroles sortant du gosier de la Cigale.

Il ne se reconnaissait même plus lui-même.

Il était un peu lancé, le brave colosse… Le vin, ses fatigues, son ardente affection pour le comte de Warrens, le souvenir des hauts faits de Mouchette, tout cela lui montait à la tête et lui faisait l’effet d’une quatrième bouteille.

Il continua de plus belle :

— Vous comprenez, mon colonel, que la première chose que je fis fut de le presser sur mon cœur de toutes mes forces, même qu’il criait : Tu m’étrangles ! comme un aveugle sans violon.

— Et la seconde ?

— Fut de lui dire : « Petiot si tu fais ça… je ne te dis que ça… — Bon ! bon ! des bêtises, mon oncle… Je réponds du bouquet ; seulement il nous faut un troisième camarade… » Alors je trouve le troisième sans barguigner.

— Frantz Keller, sans doute ? demanda Martial Renaud.

— C’est ça ! Frantz Keller à qui vous avez donné une commission qui ressemblait de près et de loin à la mienne. Je ne m’en plains pas, je raconte… voilà tout.

« Une fois, deux fois, trois… ça va bien !… Le petit nous développe son idée… une fameuse idée tout de même.

— Quelle idée ?

— Attendez. Vers deux heures du matin, à l’heure où tant d’imbéciles font semblant de dormir, Mouchette nous conduit, 35, rue d’Astorg.

— Dans cette maison où nous sommes ?

— Oui, mon colonel.

— Ah ! je comprends, chez le père Pinson ?

— Chez le vieux sergent… oui… Il le fait lever, habiller… et nous partons tous les quatre, Frantz Keller, Mouchette, le vieux et moi.

— Jusqu’ici je ne vois pas le merveilleux du plan de ton ami.

— Attendez donc, pristi ! Le père Pinson conduisait son chien en laisse.

— Hurrah ?

— Hurrah ! Oui… c’est son nom… Nous allons à Belleville, et d’un bon pas encore.

— À la maison isolée ?

— Vous y êtes ! Là le concierge, d’après le conseil de Moumouche, fait sentira son chien un gilet, je crois… oui, un gilet, ayant appartenu au capitaine.