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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/768

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— Vous êtes gai, aujourd’hui, mon brave ? lui dit-il.

— Ma foi, oui.

— Et vous avez des raisons pour cela ?

— Peut-être bien.

— Et peut-on savoir ce qui vous rend si heureux ?

— Demandez et nous verrons.

— C’est que généralement, quand je vous interroge, vous ne me répondez guère.

— Essayez.

— Oh ! je veux bien… J’ai du temps de reste… lit Passe-Partout philosophiquement.

— Voyons.

— Auriez-vous fait un héritage ?

— Je suis enfant trouvé.

— Ah !

— Oui.

— Alors ce n’est pas cela ?

— Non.

— Cherchons.

— Cherchons.

Ils restèrent une demi-minute silencieux, ne cherchant pas, mais s’examinant l’un l’autre à la dérobée.

— Dites donc… reprit le prisonnier.

— Quoi ?

— Si vous me disiez tout bonnement la chose, cela m’éviterait la peine de la chercher.

— Au fait.

— Allons, voyons.

— Je veux bien…

— Qu’est-ce ?

— Voilà ce que c’est : Grâce au ciel, d’ici à deux jours je vais devenir libre comme l’air.

— Libre ! vous ?

— Moi-même.

— Ne l’êtes-vous donc pas ?

— Pas plus que vous.

— Êtes-vous emprisonné comme moi ?

— Oui.

— Je ne comprends pas.

— Je le suis… à cause de vous.

— Comment ? Je vous le répète, je ne vous comprends pas.

— Vous, non… mais moi, oui. Vous n’auriez pas la tête si dure…

— Merci !

— Si vous ne dormiez pas comme un vrai loir.

— C’est vrai. Je dors beaucoup.

— Trop.