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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/931

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le bar-room, ou plutôt le coupe-gorge où leur chef devait sans doute se trouver en grand péril.

Pendant que ces événements se passaient au dehors, et que les desperadoes, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut, surpris à l’improviste dans leurs hideux repaires et ivres pour la plupart, tentaient, mais trop tard, une défense qui heureusement devenait désormais impossible, le comte de Warrens, le genou sur la poitrine de Marco Praya, la main à sa gorge et le pistolet haut, lui adressait pour la seconde fois cette question, à laquelle le métis n’avait pas encore eu le temps de répondre :

— Misérable, où est la jeune fille que t’a livré cette femme ?

— Je ne sais pas, répondit le métis d’une voix sourde.

Le comte de Warrens leva son arme, résolu à en finir avec lui, mais le bandit, très vigoureux et dont le péril décuplait encore les forces, fit tout à coup un mouvement imprévu si rapide, et en même temps si puissant et si bien calculé, qu’il réussit à se débarrasser de l’étreinte du comte et à se relever.

Le capitaine, surpris à son tour, recula en chancelant.

La comtesse de Casa-Real, abandonnée à elle-même depuis quelques instants déjà, mais cependant toujours aux aguets, se précipita à l’improviste sur le comte et s’empara du poignard qu’il portait à la ceinture.

Entre Marcos Praya, la créole et ceux de ses hommes qui étaient demeurés dans la chambre, la position de M. de Warrens devenait des plus critiques.

Cependant le comte ne désespéra pas ; il se prépara froidement à vendre sa vie le plus cher possible, afin de donner aux secours qu’il espérait le temps de parvenir jusqu’à lui.

Tout à coup une fenêtre vola en éclats, et plusieurs hommes, bien armés, firent irruption dans la salle.

— Nous voici ! cria Mouchette. Courage, capitaine… On y va !

Et s’apercevant du péril dans lequel se trouvait son protecteur, sans réfléchir davantage, le gamin s’élança virement pour lui faire un rempart de son corps.

Le brave enfant arrivait juste à temps.

La comtesse de Casa-Real, affolée de terreur et de rage, en voyant sa vengeance sur le point de lui échapper encore et dont le bras était levé, plongea, par un mouvement machinal, sans savoir ce qu’elle faisait peut-être, le poignard dans la poitrine de l’enfant.

— En plein dans le mille ! s’écria le gamin, en roulant tout sanglant aux pieds du capitaine ; il est sauvé !… Je m’en moque !… Bien touché, m’sieu Benjamin.

Le comte de Warrens était sauvé, en effet, mais grâce à l’héroïque dévouement du pauvre gamin de Paris.

Mais, hélas ! son salut devait lui coûter bien cher !

Au même instant, la porte céda et d’autres hommes se ruèrent tumultueusement dans la chambre.

Ces divers événements s’étaient accomplis avec une rapidité telle, que la comtesse de Casa-Real et son complice Marcos Praya avaient été saisis par