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Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/352

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— Oui, n’est-ce pas ? Écoutez, je n’ai pas fini : j’aime l’or, non point pour lui-même, mais pour les jouissances qu’il procure : l’or est tout pour moi. D’après une des clauses de mon mariage, toute la fortune de ma femme devait retourner à sa famille, au cas où elle mourrait sans enfants. Cette fortune était immense, elle se montait à plus de deux millions de piastres. Moi, je n’avais rien que la cape et l’épée, j’étais cadet de famille ; la mort de ma fille me ruinait, et je voulais être riche, conserver à tout prix la fortune de ma femme, je ne l’avais épousé que dans ce but. Dans le tumulte qui suivit le sac de la ville, je parvins à sortir dans la campagne sans être aperçu. Je rencontrai un boucanier ivre qui dormait au pied d’un arbre, je m’approchai de lui, je le tuai et je m’emparai de ses vêtements, que j’endossai ; puis je marchai droit devant moi, au hasard, à l’aventure, sans projet formé ; m’arrêtant seulement lorsque la fatigue m’accablait, vivant je ne sais comment ; j’étais presque fou de désespoir. Le troisième jour, j’entrai dans une ville : cette ville, je le sus plus tard, était le Port-Margot. Le costume que je portais me déguisait si bien que personne ne me remarqua. Ma famille est originaire de Navarre et par conséquent je parle le français presque aussi bien que ma langue maternelle. Je m’arrêtai machinalement à la première maison que je rencontrai et je demandai l’hospitalité ; on me l’accorda. Mon hôte était un