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Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/353

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habitant, un pauvre diable de Breton, arrivé depuis peu à Saint-Domingue avec sa femme et sa fille : sa fille, vous entendez bien, qui avait juste l’âge de celle que j’avais si malheureusement perdue.

— Ainsi doña Elmina ?

— Est la fille de mon hôte, oui ; voici comment cela se fit. Quelques jours après mon arrivée chez lui, Guichard, mon hôte se nommait Guichard et était très-pauvre, s’engagea sur un navire monté par le fameux Montbarts, et il partit en me confiant sa femme et sa fille. Demeuré seul, et maître dans cette maison, le démon me tenta et me souffla une pensée horrible. La nuit même qui suivit le départ de mon hôte, vers minuit, j’entrai à pas de loup dans la chambre de mon hôtesse. Elle dormait ; j’allai au berceau de l’enfant. Au bruit de mes pas, la mère s’éveilla ; pourquoi s’éveilla-t-elle ? Je ne lui voulais pas de mal ; en m’apercevant, éclairée sans doute par un de ces pressentiments qui ne trompent jamais le cœur d’une mère, elle se douta de mon projet, et s’élança sur moi en criant et appelant au secours ; je la tuai, puis j’enveloppai froidement la petite fille dans mon manteau et je m’enfuis. Quatre jours plus tard, j’arrivai à San-Juan de Goyava. Il était temps, continua don José avec un rire strident qui n’avait rien d’humain : mes héritiers faisaient déjà main basse sur mes biens. Mon retour imprévu les déconcerta : ma femme était morte, mais ma fille