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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/127

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NÉGLIGENTS ET IMPORTANTS

et qui, finalement, peut bien avoir raison, car le pire arrive de lui-même, comme l’éboulement. Par exemple il est assez clair présentement que la guerre se reforme d’elle-même ; l’annoncer n’est rien, car un enfant l’annoncerait. Mais il faudrait agir au lieu de prédire, et changer l’événement au lieu de l’annoncer. Oui l’attaquer et le dissoudre par la virile méthode du chimiste à redingote tachée qui revit en ses enfants. Bref je ne crains pas celui qui ose dès qu’il sait, parce que le chirurgien ne peut couper de travers s’il a science droite.

L’Irrésolu annonce toujours une action étonnante, et l’on ne voit rien venir. Ou plutôt on voit venir l’aveugle destin qui, comme un pal, donne une sorte de raideur à ces molles natures. L’action vraie n’est pas théâtrale, après délibération et d’un seul coup, mais action de termite, toujours creusant. Et j’aperçois ici sous un nouveau jour ce que Platon disait, que nul n’est méchant volontairement ; car ceux de l’un et de l’autre bord qui disent : « Je n’ai point voulu cela », disent vrai, hélas ! Ils n’ont point voulu cela ni rien ; et quand on ne sait pas vouloir, tout se déroule selon les forces mécaniques, ou forces basses, qui ne sont point tendres. C’est pitié, donc, de voir les Forces Hautes maintenant prisonnières en Lilliput, et deux Berthelot mis à la question. Radicaux malgré eux ; ce sont les meilleurs.

La part de Jaurès fut celle du Jugement ; et c’est la plus belle.JAURÈS.
La part de Jaurès fut celle du Jugement ; et c’est la plus belle. Car n’importe quel pouvoir a ses pièges, et sans doute aussi ses lois et conditions. Un chef de qui dépendent avancement, faveurs et tout,

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