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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/15

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INTRODUCTION

donc la première importance, pour coter un chef, aux qualités improvisatrices : intuition, instinct, foi, et nous souhaiterons, directement contre Pierrefeu, « un état-major bergsonien ».

Le troisième Dialogue nous mène beaucoup plus droit à la politique. C’est là que nous apprenons que l’ordre est une fin en soi, une chose qu’il faut désirer pour elle-même ; que les hommes abandonnés à eux-mêmes ne sont pas heureux et désirent un chef. Pour nous rassurer sur les conséquences de cette nécessité sociale, le lieutenant qui parle au nom de Maurois pose que le vrai chef n’aime pas la guerre. Napoléon n’est pas un vrai chef, parce qu’à un moment de son règne il l’a aimée. La véritable autorité est le contraire de la tyrannie ; deux seules attitudes sont possibles à son égard : défiance et loyalisme. Le loyalisme veut que l’on accepte le pouvoir établi. Comme le problème du chef est inséparable du problème des chefs, le livre en concluant pose les conditions du maintien des aristocraties : maintenir intactes les qualités qui les ont fait choisir.

C’est en accentuant beaucoup le ton, sinon les idées, que nous venons de résumer la thèse de Maurois, dont l’allure plus concrète et plus insinuante a la fausse modestie de se refuser sans cesse à dépasser le lieu commun. Ce n’est pas seulement dans ses principes et ses déductions qu’il faut chercher les conclusions et les audaces de sa thèse : c’est dans ses omissions, dans tout ce qu’il néglige, dans le dénombrement des forces militaires ou sociales. Il ne prétend pas, comme d’autres plus catégoriques, que le mérite de toute organisation, de toute initiative, et même de toute valeur morale chez les subordonnés,

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