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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/160

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

pour quelques caractères de fer, que les injure n’ébranlent point, mais au contraire affermissent. Pelletan fut le modèle de ces hommes incorruptibles. Mais l’animateur du régime, ce fut Jaurès.

Tous les tyrans, sans exception, redoutent le Combisme. Tous ceux qui dépendent du jugement de la société oisive et brillante sont secrètement fatigué du Combisme, même quand ils le servent fidèlement. Il arrive même que les délégués et les comités fléchissent sous l’injure et la menace. Mais l’électeur connaît des plaisirs vifs et sans mélange. Il sent et exerce son pouvoir, évitant par état les pièges de l’ambition et de la vanité. Quel bon petit roi c’était là.


L’homme des champs m’a enfin dit toute sa pensée. « Je voteLA MÉFIANCE
PAYSANNE.

L’homme des champs m’a enfin dit toute sa pensée. « Je vote sans aucun plaisir ; je n’aime pas cela. C’est comme si un prodigue mangé d’hypothèques me demandait conseil, sous la condition que je réponde de ses dettes pour une part. Les affaires publiques sont mal conduites. On me consulte ; mais il est clair que mon avis ne pèsera rien ; on me consulte afin de m’engager. Dans nos campagnes on aime payer, on n’aime point devoir. Vous voulez me mettre sur le bras cette énorme dette publique. Bien forcé je suis, dites-vous. Écoutez ma pensée : j’aime mieux être forcé que consentant.

« Forcé. L’État est donc comme le sultan des histoires. Je lui fais mille respects, et encore de loin ; après cela c’est mon affaire de sauver mes plumes, comme c’est la sienne de me plumer. Je me fais petit ; je cache mon bien dans la terre. Non pas des

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