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RÉPARER LES RÉPARATIONS

Mais voyons. Conquérir une province de plus, cela n’enrichit point ; je tiens que les frais d’administration égaleront pour le moins les contributions que l’on peut lever ; tel est le sort des gouvernements ; ce métier n’enrichit point. Dans le fait nous allons nous substituer à des patrons ou à des actionnaires, faire travailler des mineurs, des cheminots, des chaudronniers ; il faudra assurer la nourriture, le logement, l’habillement de ces hommes-là, bref : entretenir la force de travail, comme on dit ; les bénéfices seront pour nous. Bien. Mais nous aurons charge d’administrer et de vendre, et par fonctionnaires ; cela ne coûte pas peu. L’excédent n’est pas près d’égaler ces réels milliards qu’il nous faudrait bon an mal an. Un simple million de bénéfice net, cela représente déjà une belle somme de travail et de bonne volonté, sans compter des circonstances favorables, une activité admirable des échanges, et des clients fidèles. Or, mettant au mieux ce qui est incertain, nous savons que le travail forcé est lent et négligent et qu’il entretient au plus juste la force de travail ; nous n’avons pas le fouet des planteurs, ni leur terre vierge. Je sais bien que nous privons de leur revenu un certain nombre d’hommes riches, et qui pourraient nous faire un ou deux milliards de leurs réserves cachées, s’ils le voulaient. Mais, parmi les moyens de contrainte, je n’ai point vu qu’en prenant à un homme riche une partie de son bien on l’ait jamais forcé à donner le reste. Bref, la force n’ayant d’excuse que dans ses effets, je cherche les effets. »

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