LE TZAR
POINCARÉ.
La politique tzariste, en ces dernières semaines, arrive au terme de sa puissance. On peut appeler politique tzariste cette frivolité de théâtre qui domina sous le précédent
règne. La triste figure du tzar, roi d’apparences et
lui-même Apparence, représente assez bien le fond
masculin, si l’on peut dire, de ces pensées sans consistance
qui furent officielles chez nous pendant le
grand massacre, et qui sont encore académiques. J’ai
ouï conter qu’au commencement de l’alliance russe,
des femmes élégantes, et soumises aux convenances
dans leurs démarches ordinaires, se jetaient au cou
des officiers russes. Les femmes sont redoutables en
ces crises. Elles traduisent en force les lieux communs
des hommes fatigués. Je croirais assez que dans
le sexe actif, la vitalité, qui se développe en entreprises
réelles, produit des idées d’après l’ordre inflexible
des choses, ce qui fait qu’un homme énergique
peut avoir des idées courtes, mais non pas des
idées creuses ; au lieu que le sexe affectif réchauffe
les idées, quelles qu’elles soient, par le sentiment,
sans tenir compte de la réalité extérieure. C’est par
ce jeu d’illusions que la société polie est redoutable.
Il faudrait recueillir et mettre en système ces opinions fantastiques que répétèrent, faute de trouver mieux, les hommes sans virilité, pendant que les autres avaient assez à faire de penser canons, munitions, ravitaillement. La guerre est faite par les forts, et pensée par les faibles. Ainsi les pensées de l’arrière furent toutes des lieux communs conformes au désir. Avant la guerre déjà, et dans le paroxysme de l’affaire