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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/176

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

comme palpant en beaucoup de points l’opinion réelle et les réelles difficultés, il a donné audience à quelques vérités amères ; et gouvernant d’après ce qui est, sans écouter beaucoup de folles déclamations, il a fait apparaître quelques contours et quelques profils de la réalité politique. Les choses sont bien comme j’attendais, mais lentes et comme circonspectes. Tassement, et non retournement. En somme, j’ai gagné mon pari.


Modéré m’a dit : «LES MODÉRÉS SURPRIS
QU’ON OCCUPE LA RUHR.

Le Modéré m’a dit : « Je ne suis point content ; je ne puis l’être. Nous voilà dans une aventure que je n’aurais pas conseillée. Comment ? Alors qu’on nous répète qu’il nous faut patience et travail pour nous relever de cette ruine, voilà que l’on revient à ce qui nous a déjà ruinés une fois. Nous manquons d’argent et voilà que l’on jette l’argent. Nous manquons d’hommes et voilà que des colonnes de travailleurs sont acheminées vers le travail le moins productif qui soit. Vit-on jamais un pareil contraste entre la modération des propos et l’imprudence des actes ? Ce n’était, disait-on, qu’une expédition d’ingénieurs et de douaniers. On ne promet pas une chose pareille sans avoir l’assurance, d’abord, qu’elle est possible. Nous allions chercher des produits et de l’argent ; mais à peine sommes-nous partis qu’on nous avoue que le profit de l’expédition sera maigre. Cependant la contrainte agit et les colères montent. Je ne puis pas ne pas prévoir tout au moins de nouveaux sacrifices d’argent ; je ne défends de regarder plus avant dans l’avenir ; je n’y ver-

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