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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/179

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RÉPARER LES RÉPARATIONS

dont personne ne veut ; car contre quoi l’échangerait-on finalement ?

Les deux manières de payer étant au fond équivalentes quant à l’effet total, il est clair que beaucoup préfèrent le paiement en espèces, si les espèces sont bonnes ; et il faut chercher pourquoi. On aperçoit une raison budgétaire, bien aisée à comprendre, mais encore abstraite. Si l’on emploie l’argent reçu à acheter dans d’autres pays des matières transformables ou des objets fabriqués, ce sera exactement comme si ces matières et ces objets nous arrivaient directement d’Allemagne. Mais on voit ici la différence. Jamais l’argent reçu ne sera employé uniquement à récupérer les choses utiles qui nous manquent ; mais une bonne partie de cet argent sera versée directement, soit à ceux qui ont subi des dommages, soit à ceux qui ont charge de diriger la reconstitution ; or tous gagneront ici quelque chose. D’après l’évaluation acceptée, il n’est point de propriétaire dans les régions envahies, qui n’ait des raisons de préférer l’argent à la chose. Surtout les comptables, inspecteurs et architectes seront royalement payés dans l’avenir, comme ils sont déjà. Enfin les employeurs d’hommes trouveront à ce travail des bénéfices plus sûrs qu’à n’importe quel autre, n’ayant à craindre aucune concurrence, ni, pour un bon nombre d’années, aucune diminution des besoins.

Supposons que les provinces dévastées soient soudainement remises en état par quelque coup de baguette magique. On peut admettre que les populations ruinées seraient heureuses ; mais on comprend aisément qu’il y a toute une population d’employés, petits et grands, sans compter les employeurs, dont

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