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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/184

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

que j’ai l’intention d’acheter chez vous. Si je n’ai pas l’intention d’acheter chez vous, votre monnaie ne représente rien pour moi ; elle doit tomber au zéro si le refus de concours, ici refus d’échange, est unanime. Il ne le sera jamais. Mais sans doute n’en faut-il point tant. Un mouvement d’humeur général contre une nation batailleuse, l’idée que ses prétentions troublent profondément toutes les affaires, l’exemple de quelques-uns toujours puissant dans les crises de crédit, enfin quelque passion de lutte, l’idée même d’essayer cette arme nouvelle, sans compter les manœuvres de ceux que cette nation menacerait particulièrement, il me semble que toutes ces conditions réunies assureraient la plus implacable, la plus irrésistible punition. Blocus invisible, sans vaisseaux ni surveillance, par la seule action je ne dirai même pas d’un blâme, car il n’en faut point tant, mais plutôt d’une abstention, d’une absence, ou d’une simple inattention. »

« Mais, dit le Français, un peuple peut se suffire à lui-même ; non sans peine ; mais on n’a pas essayé encore ce que peuvent travail et frugalité. »

« Je le crois, dit l’Américain ; mais je crois aussi qu’à ce régime aucun peuple ne peut faire la guerre ni la préparer. À mes yeux c’est toute la question. »