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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/183

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RÉPARER LES RÉPARATIONS

entretienne de grandes forces, et cherche partout des alliés, leur offrant de l’argent, des armes et même des généraux. Eh bien je dis qu’il n’est pas difficile de réduire cette nation rebelle, s’il y a seulement dans les autres pays un homme sur mille qui le veuille sincèrement. »

« Expliquez cela, dit le Français. Mais n’oubliez pas que vous aurez contre vous un peuple fier, et tout prêt à sauter sur les armes, si vous prétendez seulement lui faire la leçon. »

« Je sais, dit l’Américain, que la morale est mal reçue partout. Mais la leçon sera muette. Vous savez que le refus de concours est, selon la raison, le dernier refuge de l’homme libre. Vous vendez trop cher ; si je refuse d’acheter, tout est dit. Vous payez trop peu ; si je refuse de travailler, tout est dit. Or, ce que l’on n’a point vu encore, et ce que l’on verra, c’est le refus de concours des nations ; et cette excommunication muette se traduira par le cours des changes, avertissement propre à faire réfléchir le peuple le plus fier et le mieux armé. »

« J’ai toujours vu, dit le Français, que le cours des changes dépend de la quantité de monnaie fiduciaire qu’une nation se risque à jeter sur le marché ; et, accessoirement de l’ordre ou du désordre intérieur que l’on voit dans ses recettes et dépenses, parce que la mauvaise administration annonce le recours au papier. Cette fière nation saura bien se discipliner et se priver de l’inutile. Sa monnaie tiendra par les mêmes vertus qui font les armées invincibles. »

« Je ne sais, dit l’Américain. Il me semble que le cours des changes dépend encore d’autres conditions. Si je reçois votre monnaie pour bonne, cela signifie

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