Aller au contenu

Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.






LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

gras Démocrate, arrête dans les deux cas l’action des pouvoirs. Ce n’est pas le droit, et ce n’est pas la force, mais c’est l’antique loi des marchés. Si vous limitez le gain du producteur, vous limitez la production. Si c’est un bien ou un mal, les statisticiens le diront, et se tromperont peut-être ; mais les marchés sont au-dessous du bien et du mal. Une industrie, un genre de culture peuvent être utiles à l’État ; ce n’est pas une raison suffisante pour qu’ils prospèrent, s’ils ne paient pas celui qui y donne ses soins. Le travail serf, que ce soit celui du patron d’usine, du paysan ou de l’ouvrier, tombe aussitôt au-dessous de ce régime accéléré qui assure un excédent. Si notre gros chasseur tirait ses rentes du travail militaire, travail serf, il devrait bientôt gagner lui-même sa journée. Les serfs travaillant partout sous le fouet, chacun gagnerait tout juste de quoi ne pas mourir. Et qui nourrirait le fouet ?

Il faut donc que le commerce de la force du travail soit libre, comme tout autre commerce. Il faut que le prix d’une journée d’homme soit débattu et fixé par consentement, comme le prix des œufs. Il le faut, non pas parce que c’est juste, mais parce que commerce est commerce. Et dès que l’on oublie ces lois naturelles de toute Économie, la marge de richesses sur laquelle les oisifs prélèvent de quoi s’entretenir en graisse s’amincit aussitôt, et deviendrait nulle. Aussi les tyrans les plus déterminés ont toujours capitulé devant les marchands. Une armée qui pillerait les marchés serait promptement réduite à mourir de faim. Il n’y a point de raison pour qu’une armée puisse impunément piller le marché du travail, plutôt qu’aucun autre.

⸻ 186 ⸻