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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/205

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LE RENDEMENT, NON LA PUISSANCE

modifiable dans l’air par la manœuvre des voiles, modifiable dans l’eau par le jeu du gouvernail ; et c’est en combinant ces deux changements de forme que le pilote tire parti de tout vent. Comptez les travaux passés, le mât, les cordages, la coque, l’étoupe et le goudron ; comptez les coups de hache, de marteau et de rabot ; ajoutez-y le travail présent, travail du gouvernail, qui est de science plutôt que de muscles, travail des cordages et des voiles, souvent pénible, même en comptant ce que l’on oublie d’ordinaire, on trouvera que l’homme gagne encore sur le travail qu’il ferait avec des rames, de même qu’il gagne en se servant de rames sur le travail qu’il ferait avec ses mains.

Il y a donc des machines qui rendent plus de travail qu’on ne leur en fournit, et c’est là-dessus que nous fondons nos espérances. Folles espérances. La machine à vapeur, qui fut l’outil universel pendant le xixe siècle, exige déjà une somme de travaux importants, depuis la mine de charbon et la mine de fer, jusqu’à l’atelier d’ajustage, en passant par le haut fourneau, la forge et la salle de dessin. Puissance énorme, mais qui coûte déjà assez cher. Un moteur à explosion est plus léger et plus maniable ; je crois qu’il coûte déjà beaucoup plus de travaux, quoique peut-être la différence entre les travaux invisibles et le travail visible soit encore à notre avantage. Je dis peut-être. Pour l’avion, j’ai le sentiment que nous perdons à chaque vol, c’est-à-dire que la puissance utile est finalement au-dessous de tous les travaux musculaires qu’elle suppose depuis la mine et l’usine ; ce ne serait même plus l’arc d’Ulysse, qui rend ce qu’on lui donne.

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