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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/220

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

de bois. En somme la pauvreté est désormais interdite, au moins dans le voyage. Les omnibus et tramways se ruinent en travaillant ; leurs frais d’exploitation, à ce qu’ils disent, dépassent les recettes ; vous supposez naïvement qu’ils vont réduire les frais, diminuer la vitesse, supprimer toute espèce de confortable dans les voitures ; mais ils n’y pensent seulement point. N’oubliez pas que les chefs de ces Grands Services ont de gros traitements, qu’ils ne penseront jamais à en diminuer quelque chose, et que c’est pourtant par là qu’ils devraient commencer.

En cela les entreprises privées imitent les services publics, qui n’ont point changé depuis les temps de la Monarchie absolue. Quand Louis XIV voulait allumer des lampions, il ne cherchait pas d’abord de l’argent pour les payer. Dépenser d’abord, et remettre au contribuable la note des dépenses faites, telle est la méthode naturelle de tous les pouvoirs. Il n’y a pas longtemps les finances eurent à remplacer les titres de créance de ceux qui avaient perdu leurs meubles pendant la guerre, par des titres de rente équivalents ; opération avantageuse pour le trésor ; mais le ministre organisa aussitôt un service nouveau, bien logé et bien pourvu d’employés, qui est chargé de ces échanges et de ces écritures. Or il est vrai que, par de tels moyens, le public sera servi vite et bien ; mais nul ne se demande jamais si le public est assez riche pour s’offrir ce luxe-là.

Tout ce luxe nous est imposé ; c’est à nous de le gagner. On compte par milliers, à Paris, de ces hommes débonnaires qui reçoivent du gouvernement féminin un budget de dépenses incompressibles et

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