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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/221

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SOYONS AVARES

qui courent du matin au soir pour assurer les recettes correspondantes. Quelquefois, avant le jour, vous voyez autour de quelque brillant magasin une armée de nettoyeurs, l’un occupé aux cuivres, l’autre aux glaces. Ce genre de travail est terminé à huit heures du matin ; et ceux qui l’ont fait s’en vont alors à leur travail ordinaire, qui est tout autre ; ils font deux journées en une. Ce genre d’hommes n’est point pauvre, en ce sens qu’ils peuvent se procurer beaucoup de choses désirables ; mais ils sont pauvres par ce travail accéléré qui leur retire le temps de juger. Ce sont de très bons maris, et ce sont de très bons citoyens aussi ; par les mêmes causes. Toujours courant, et sautant d’un véhicule dans l’autre, ils arrivent à gagner un peu plus par cette économie de temps ; un peu plus, c’est-à-dire juste autant que cette vitesse leur coûte. Il faut réfléchir sur ceci qu’avec plus de travail on peut recueillir un moindre excédent.

Les prodigues, dit Castor, sont ruinés par l’Agréable. Mais c’est l’UtileUTILITÉS
RUINEUSES.

Les prodigues, dit Castor, sont ruinés par l’Agréable. Mais c’est l’Utile qui ruinera les Nations, et toutes les grandes Sociétés, où ceux qui dirigent sont payés au mois. Entre les deux, se trouve l’Avantageux ou le Profitable, comme vous voudrez l’appeler, qui est la règle de toute sage entreprise. Supposez que je sois placier en vins ou en savons ; une voiture automobile me serait utile, c’est évident ; mais il reste à savoir si elle me serait Profitable ; si c’est seulement douteux, je prends l’omnibus ; et l’omnibus m’est bien utile ; mais ce n’est pas une raison suffisante pour

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