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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/231

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LES CIVILISATIONS

autant qu’il en faut pour faire bouillir une pensée d’homme. Mais cette pensée d’homme est occupée d’abord à ne point user d’un pot qui serait souillé par un homme d’une autre caste ; et l’effet de la misère est de rendre ces soins plus occupants ; ainsi les rites terminent les pensées et en même temps les passions. On retrouve encore chez les Juifs de la pure doctrine, ce souci de manger et de boire selon les rites ; ce genre d’attention détourne de penser aux maux véritables. Mais ces débris des temps anciens donnent encore une faible idée de ce que fut l’ordre Égyptien, où ce n’était point le même homme qui nourrissait le bœuf, qui le tuait, qui le mangeait, qui l’enterrait. Si quelque prêtre de ce temps-là revenait, peut-être pourrait-il expliquer qu’il ne faut pas moins que ces liens de coutume pour tenir en repos l’animal pensant ; mais je suppose que le prêtre était prêtre comme le potier était potier. Il ne choisissait point ; et toute notre vie se passe à choisir et à sauver le droit de choisir. Deux systèmes donc, et l’Oriental est encore assez fort lorsqu’il montre du doigt les effets, qui sont nos guerres, la Fraternité homicide et le Droit sanglant.

On pourrait croire, au sujet des machines, queLA MACHINE
S’IMPOSE À NOUS.

On pourrait croire, au sujet des machines, que les rusés marchands auront bientôt découvert si elles sont bienfaisantes ou ruineuses. Je n’en suis pas sûr. Les machines modernes ont une manière de s’offrir qui est tyrannique. C’est l’offre qui règle la demande. Le téléphone en est un exemple admirable. Si, par convention, ceux qui font des affaires renonçaient

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